«Much Loved» : scandale au Maroc

Sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, puis interdit de projection au Maroc, le nouveau film de Nabil Ayouch est clairement entouré d'une aura subversive. En choisissant de décrire le quotidien de trois (puis quatre) prostituées de Marrakech, le réalisateur savait qu'il serait attaqué par la police des moeurs marocaine.

Mais, au delà de la simple provocation, le film a le mérite de raconter un peu de l'histoire taboue du Maroc moderne. Ce Maroc invisible, ce Maroc de la nuit où se croisent, dans des villas de luxe, de riches Saoudiens et de frivoles Marocaines. Grâce à l'énergie impressionnante des actrices, toutes non professionnelles, et à d'excellents dialogues, souvent improvisés, Ayouch parvient à dresser un portrait sans concession de ces femmes, dans leurs excès libertaires comme dans leurs faiblesses et leurs blessures. Il arrive surtout à éviter les pièges du misérabilisme et de la victimisation.

Le film évoque également, et avec parcimonie, ce que la bonne société marocaine refuse de voir. Sur une sombre BO signée Mike Kourtzer, le Marrakech underground du tourisme sexuel, de la pédophilie, des trafics de drogues et des trafics de la police est dévoilé. On notera par exemple une scène de sexe particulièrement réussie entre Loubna Abidar et Carlo Brandt, portée par un morceau étrangement proche du magnifique «Time» d'Hans Zimmer. Mais pour être tout à fait honnête, le film s'essouffle assez vite. La fin est presque ennuyeuse. La faute, sans doute, à une mise en scène trop sobre et à un manque d'inspiration. Il aurait fallu prendre quelques risques pour donner au film un cachet plus important.

Malgré tout, «Much Loved» reste un film intéressant sur la réalité de ces «guerrières, amazones des temps modernes», qui fait assez largement écho au récent «Mustang» de Deniz Gamze Ergüven.

 

Drame franco-marocain de Nabil Ayouch avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak et Halima Karaouane. Durée : 1h44 Interdit aux moins de 12 ans.

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